Les interactions


Les interactions sont un atout précieux pour la construction ou la reconstruction de nos chiens. 

Voici une petite vidéo pour entrer en matière. Vous reconnaîtrez le chien de la vidéo "Tourner le dos" qui essaie d'obtenir la protection de son maître. Ce passage a été filmé après et le maître applique la consigne "tourner le dos, ignorer".

Personne ne peut nier le fait que les humains n'ont pas été obligés d'intervenir, le calme s'est installé sans que personne ne demande à son chien de se taire ou de se coucher. Le chien régulateur n'est intervenu que sur un congénère.

Pourtant cette séance a apporté "quelque chose" à tous les chiens présents, car parallèlement il y a eu d'autres échanges, moins spectaculaires mais aussi enrichissants et aussi constructifs. Si vous regardez la vidéo en vous intéressant aux autres chiens qu'à ceux signalés par Dédé, vous remarquerez plusieurs petites scènes. Par ailleurs les progrès en dehors du terrain de certains chiens qui semblent effacés ou pas trop concernés par leurs congénères, permettent de penser que beaucoup de choses nous échappent surtout quand on voit leur joie de revenir.

Comme vous avez pu l'entendre, il ne s'agit pas de simplement laisser faire les chiens. Les interactions s'inscrivent à plusieurs niveaux dans notre travail :

Parenthèse : rappel de nos objectifs

  • Travail au niveau de la relation maître/chien (qui prend en considération le contexte de vie et les éventuels problèmes).
  • Travail de la communication (langage, connaissance de la culture canine), apprentissage de l'écoute mutuelle.
  • Travail de socialisation entre congénères et entre humains et canins.
  • L'objectif pour le maître étant de pouvoir gérer son chien dans la vie courante et d'obtenir un chien qui coopère.

Les interactions remplacent les exercices de socialisation des méthodes traditionnelles. Les chiens apprennent à s'informer, à communiquer et à se conduire correctement entre congénères.

En observant, le maître apprend déjà à mieux connaître son propre chien car il le voit réagir face à des congénères d'autres races et autres âges. Il peut voir les réactions des autres chiens face à lui et cela peut révéler un problème qui n'aurait pas pu être décelé parmi des chiens rappelés au pied ou attachés.

Ces informations sont très utiles dans le cas de rencontres dans la vie de tous les jours, aussi bien pour savoir si l'on peut faire confiance que si l'on doit prendre des précautions.

Exemples :

Si le monsieur avait voulu nous croiser cela n'aurait pas posé de problème. Si cela avait été nécessaire nous lui aurions demandé de continuer sans intervenir. S'il avait voulu nous croiser, comme il rappelait son chien au pied, nous aurions précisé que nos chiens ont l'habitude de croiser des congénères ... On voyait bien que son chien était sociable.

Si cela avait été nécessaire nous aurions rappelé nos chiens.


Avant de connaître Dédé, lorsque je considérais les situations avec les critères dominant/dominé de la méthode traditionnelle, j'aurais rappelé ma chienne ; déjà, la silhouette d'un berger allemand lâché aurait été une source de stress. Je vois souvent des gens rebrousser chemin lorsqu'ils aperçoivent la silhouette noire de ma chienne. Plusieurs fois des policiers municipaux en patrouille dans les bois m'ont demandé d'attacher mon chien précédent parce que c'était un rottweiler, alors qu'il n'y avait personne d'autre à l'horizon et que mon chien était parfaitement calme.

Savoir que des chiens de tous âges et toutes races peuvent cohabiter sans être commandés ! Qu'un aboiement ou un grognement ne sont pas systématiquement suivis de morsure mais sont des informations utiles dont il faut tenir compte, savoir qu'il ne faut pas s'en mêler mais partir quand on a un doute, éviterait tant de gâchis ! (bien sûr tout ce que je raconte repose sur la relation avec notre chien et l'observation du binôme maître/chien qu'on va croiser et peut nous conduire à éviter la rencontre.) 

La cohabitation avec les chasseurs est aussi possible... ça me fait plaisir de le montrer. 

 

Pendant les interactions éducatives, le chien cohabite malgré lui avec les maîtres de ses congénères. Il va vivre le fait que des humains peuvent faire partie de son environnement sans s'intéresser à lui. Pour certains chiens qui ont vécu des expériences désagréables voire traumatisantes, cela permet d'installer les conditions pour un travail de rééducation personnalisé qui sera mis en place dès que l'opportunité se présentera.

Lorsqu'un maître doit rappeler son chien, il le fait dans un contexte rempli d'enjeux canins (condition beaucoup plus difficile que dans la vie courante). Obtenir un vrai rappel, c'est à dire sans être obligé de rappeler, dans un tel contexte permet de construire les automatismes de gestuelle, etc. pour avoir un chien à l'écoute dans n'importe quelle situation.


A PROPOS DU CHIEN RÉGULATEUR :

C'est grâce à ses chiens régulateurs que Dédé a pu nous montrer ce qu'était la compétence canine. Grâce à eux il a pu nous apprendre à ne pas intervenir et à leur faire confiance. Ses commentaires instantanés sont la base de notre petite culture canine d'humains, une source intarissable d'émerveillement depuis que nous avons pris l'habitude de les observer.

Mais comme toujours, il y a des modes et la mode du chien régulateur fausse les choses.

Il y a une dizaine d'années, on croisait régulièrement des chiens qualifiés de "dominants" lorsque leur maître avait du mal à les gérer. Aujourd'hui certains disent un peu trop vite que leur chien "régule" alors qu'ils viennent de le lancer sans s'en apercevoir.

Il est donc utile de donner quelques précisions :

Le chien régulateur ne reçoit aucune formation. Ses interventions sont spontanées et de sa propre initiative. Il coopère avec son maître lorsque ce dernier est responsable d'un groupe d'humains/canins, d'une école : son maître ne peut pas avoir les yeux partout à la fois, diriger un exercice et veiller à la sérénité du groupe. Il prend le relais de son maître pour gérer la partie canine du fonctionnement de l'école.

Quelquefois, nous ne comprenons pas pourquoi il permet des choses à certains chiens et pas à d'autres. Mais le fait que lorsqu'il permet certaines actions cela ne perturbe pas la sérénité du groupe prouve qu'il ne fait pas n'importe quoi.

À d'autres moments, nous avons l'impression qu'il exagère et remet en place des congénères qui n'ont "rien fait". Mais lorsque Dédé s'est retrouvé sans régulateur pendant une certaine période (décès du régulateur), quelques semaines après, ces "innocents" ont commencé à provoquer des bagarres à répétition.

Mon chien Platon a voulu remplacer le régulateur et Dédé m'a demandé de le laisser faire car les initiatives étaient justifiées. Mais nous avons dû faire marche arrière car les séquelles dues aux jeux provoquaient une montée en excitation incompatible avec ce rôle. Par la même occasion, il a démontré que certaines "choses" restent gravées dans le cerveau à jamais.

Contre toute attente, c'est sa chienne (qui s'est révélée une excellente régulatrice) qui a sauvé la situation. Et surtout elle a mis fin à une idée reçue : je cite Dédé :"... puis, je fus agréablement surpris de constater qu'une femelle assumait la fonction de régulatrice aussi bien qu'un mâle, alors que nos références au loup nous obligent à croire que seuls les mâles sont compétents au maintien de l'équilibre dans la meute."

C'est parce que son maître a en charge la gestion d'une école que le chien régulateur joue ce rôle.

En dehors du club il redevient un chien "normal" et il ne se mêle pas de l'éducation des chiens qu'il va croiser.

Le chien régulateur est l'illustration parfaite d'un chien qui coopère avec son maître.haut de page

LES INTÉRACTIONS ENTRE HUMAINS ET CHIENS

Les interactions ne sont pas uniquement canines : n'oublions pas que les chiens sont des observateurs nés, qu'ils enregistrent bien plus d'informations que nous ne le pensons et qu'ils ont une très bonne mémoire. Nos réactions (sourires, positionnements, mots, etc.) ne leur échappent pas. Ils comprennent certains éléments de nos conversations. Quand ils sont le centre d'intérêt, cela ne leur échappe pas.

Nous devons donc aussi être attentifs aux chiens des autres pour ne pas les renforcer négativement ou les lancer sans le vouloir.

Comment éviter les erreurs ?

En veillant à ne pas prononcer leurs noms à tout bout de champ ou au mauvais moment : au lieu de dire "Médor" il vaut mieux dire "le grand blanc".

En ne faisant jamais de réflexion juste après une action : si vous dites à votre chien "c'est bien fait pour toi..." devant celui qui vient de le remettre en place, ce dernier peut être renforcé et dans certains cas ce n'est pas bon. Faire semblant de ne pas l'avoir vu est cent fois plus efficace.

Par moments, il est aussi déconseillé de filmer ou de photographier. Cela peut empêcher un comportement naturel ou créer des renforcements. Je suis souvent obligée de renoncer à filmer quand je suis trop près de l'action et je ne commence à le faire que lorsque les chiens concernés sont déjà fixés sur leurs congénères : à ce moment ils ne peuvent pas s'intéresser en même temps à moi... priorité canine...

Pourtant filmer n'est pas toujours négatif (je me demande même si ma caméra n'a pas joué un rôle positif non négligeable dans un cas précis). Simplement les déplacements et la gestuelle de celui qui filme doivent être réfléchis tout comme le moment où on s'autorise à commencer à le faire, la distance à laquelle on se trouve, etc.

Le conseil le plus important, le premier conseil donné aux gens qui arrivaient était :

"Si jamais il y a une bagarre, vous ne vous arrêtez pas pour regarder, vous partez en rappelant votre chien pour qu'il n'y aille pas.

Si vous êtes plusieurs en train de discuter, vous vous écartez en étoile, chacun avec son chien (les chiens qui ont un vrai rappel suivent spontanément leurs maîtres, les autres se font appeler) pour que l'excitation ambiante ne les atteigne pas"

Un maître est toujours concerné par les actions auxquelles participe son chien. Oui, c'est une la palissade Pied de nezCool Et par moments DéçuSurprisCriant par moments c'est difficile... il y a la peur du coup de dents perdu, aussi désagréable pour le maître de celui qui a mordu que pour le maître de celui qui se retrouve avec des points de suture.

Là, il faut savoir que partir, tourner le dos (selon ce que le chien a déjà compris ou ce qu'on sait de lui on part juste ou on rappelle en ajoutant "tu laisses !") sont dix fois plus efficaces que regarder en hurlant. Il faut acquérir l'automatisme de partir tout de suite ! Dire "tu laisses" ou "c'est fini" en regardant ou en s'approchant pour pouvoir éventuellement intervenir, gâche souvent le centième de seconde juste avant la fixation absolue.

Un coup de dent perdu n'est pas une morsure ... 

Vous avez tous été élèves Sourire vous avez tous des souvenirs de récréations gâchées par des coups involontaires donnés dans le feu de l'action, d'une jambe ou d'un bras cassé à cause d'un ballon et je ne parle pas des matches de foot qui dégénèrent. 

Le risque zéro n'existera jamais.

Ce qu'il convient de faire c'est analyser, confronter les avis, etc.

Donc, prudence !!! On y pense tout le temps. Je précise pour ceux qui nous découvrent que les chiens présents sur la vidéo d'introduction avaient été détendus individuellement auparavant et n'étaient entrés sur le terrain qu'après être passés par un portail de présentation.

Les cas graves passaient par une phase de rééducation. En plus de dix ans je n'ai vu aucun chien handicapé définitivement après une mêlée sur le terrain.

Je me permets de citer l'intervention d'un ami sur le forum :
"Ne pas s'en mêler permet de voir les actions se dérouler jusqu'au bout. Souvent l'homme intervient trop tôt et il se prive de l'explication complète de l'action. En outre le fait d'intervenir sans comprendre vraiment tout ce qui se passe peut déséquilibrer les rapports entre les chiens en soutenant une action qui n'a pas à l'être (ou le contraire). En ce qui concerne les bagarres, nous laissons faire tant que ce n'est pas dangereux, ce qui nous a permis d'étudier très précisément ce qui se passe durant ces explications, comme la position des mâchoires, les zones de contact, l'utilisation de l'arrière train pour se dégager ou éjecter, regards, bluff etc., etc., bref, passionnant".

 

Exemple de situation gérée par un chien qui n'a pas le "titre" de régulateur :

La vidéo a été prise par une amie... intéressante histoire de "chevaucheur" chevauché.

Il existe différents types de chevauchements entre mâles. C'est source de bagarre donc une mauvaise habitude.

Les conversations que vous entendez ne s'adressent pas aux chiens.

Dès le début, vous entendez des grognements émis par Nikita, une adulte rottweiler (précision à cause des idées reçues). Sa maîtresse sait qu'elle peut laisser faire. 

Les trois acteurs mâles ont tous la même intention dès le départ mais aucun n'a envie d'être chevauché ! Chacun essaie d'en profiter quand leur congénère se trouve dans une mauvaise posture...

Nous avons une belle illustration de stratégie de Bahoo (le grand roux, Rhodasian Ridgeback) envers Rio, le petit chien noir et blanc. 
A un moment donné, on voit que le maître de Bahoo tourne le dos. Il ne part pas car il faut permettre à son chien de faire comprendre à Rio qu'il n'est pas d'accord. Nikita laisse faire Bahoo et choisit de barrer la route à Sultan (le Berger Allemand).

Dans le cadre d'un club traditionnel comme celui que j'ai fréquenté, Nikita n'aurait pas eu le droit de grogner. Ici, elle nous démontre que le grognement est une communication. Il s'agit d'un premier avertissement qui précède le déplacement.

Rio n'a pas encore compris... regardez sa queue qui remonte...


À suivre...haut de page